Droit du travail La gauche contre la primauté des CCT en matière de salaire minimal

misc, ats

3.5.2024 - 09:34

La gauche et les cantons s'opposent à ce que les dispositions des contrats collectifs de travail (CCT) l'emportent sur celles des cantons en matière de salaires minimaux. Le projet du Parlement fédéral a été très diversement accueilli en consultation.

Plusieurs cantons romands ont introduit un salaire minimum. (Photo d'illustration)
Plusieurs cantons romands ont introduit un salaire minimum. (Photo d'illustration)
sda

3.5.2024 - 09:34

Le débat prend sa source dans une motion du sénateur Erich Ettlin (Centre/OW), qui avait demandé en 2022 que les CCT déclarées de force obligatoire par le Conseil fédéral l'emportent sur le droit cantonal. Cela doit valoir aussi lorsque les salaires minimaux inscrits dans les CCT sont inférieurs aux barèmes cantonaux.

Erich Ettlin pointait du doigt le salaire minimum entré en vigueur en 2017 à Neuchâtel et celui de Genève de 2020, accusés de saper le partenariat social.

«Compétences non respectées»

Tout en s'y opposant pour des raisons juridiques, le Conseil fédéral a dû mettre la proposition en consultation. Celle-ci s'est terminée le 1er mai. Et le PS, les Vert-e-s et les syndicats ne mâchent pas leurs mots: le projet représente selon eux «une attaque contre la démocratie directe et le fédéralisme». Les cantons disent non également. Ils y voient une atteinte inadmissible à leurs compétences.

Les cantons ayant introduit à ce jour un salaire minimum sont Genève, Neuchâtel, le Jura, Bâle-Ville et le Tessin. Des projets en ce sens sont aussi en cours dans plusieurs autres cantons. Dans les villes de Zurich et Winterthour, le peuple s'est prononcé l'an dernier pour des salaires minimaux, mais ceux-ci ne sont pas encore en vigueur.

Référendum dans l'air

Les syndicats ont annoncé la couleur: si la loi est appliquée conformément aux souhaits du Conseil national et des Etats, ils lanceront un référendum, ainsi que l'a indiqué le président de l'Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard dans une interview parue jeudi dans le Journal du Jura et le Bieler Tagblatt.

«Les cantons s'opposent à cette manoeuvre. De nombreuses communes aussi. Il ne faut aussi pas oublier que grâce à l’instauration des salaires minimaux, il y a moins d’argent qui est versé par l’aide sociale», a déclaré le conseiller aux Etats socialiste vaudois.

Les barèmes cantonaux sont établis de manière à garantir le minimum existentiel, estime l'USS dans sa réponse à la consultation. La révision législative proposée reviendrait à passer sous ce seuil existentiel pour certains travailleurs. «Il y aurait davantage de 'working poors'», selon la faîtière, qui cite l'exemple d'une coiffeuse à Genève dont le salaire serait amputé d'une somme allant jusqu'à 500 francs par mois au cas où la motion Ettlin serait appliquée.

Travail.Suisse estime pour sa part que si une réglementation professionnelle l'emportait sur le droit et la volonté des citoyens, un «dangereux précédent» serait créé. L'organisation relève que les minimums salariaux garantis par la loi représentent d'abord une garantie dans les branches ne bénéficiant pas de CCT. Les secteurs régis par une convention collective connaissent, pour la très grande majorité d'entre eux, des salaires minimaux supérieurs au seuil légal.

Le PS est d'avis que le Conseil fédéral aurait dû classer la motion. Celle-ci contrevient au principe de subsidiarité inscrit dans la Constitution fédérale, juge le parti. Pour les Vert-e-s, il est évident que les CCT sont inférieures au droit cantonal.

La Conférence des chefs des départements cantonaux de l'économie publique écrit qu'une primauté des CCT reviendrait à fouler aux pieds la volonté populaire. Le canton de Berne souligne que le projet de loi empiète sur les prérogatives cantonales.

Le conseiller fédéral en charge de l'économie, Guy Parmelin, avait pour sa part précédemment estimé que le droit cantonal avait plus de légitimité que les conventions collectives.

La droite dit oui

L'Union patronale suisse rejette l'idée que le projet puisse être anticonstitutionnel. «Les partenaires sociaux connaissent leur profession et sont les mieux à même de préparer des solutions équilibrées s'inscrivant dans un paquet global», a-t-elle en outre indiqué à Keystone-ATS.

De son côté, le PLR juge capital que les CCT s'appliquent à la fois aux employés et aux employeurs et qu'elles ne soient pas réduites à néant par des réglementations régionales. Il s'agit de créer «des standards uniformes», ajoute-t-il.

L'UDC appuie sur le fond la motion Ettlin, tout en admettant qu'elle entre en conflit avec les compétences cantonales.

Le Centre n'a pas pris part à la consultation mais ses représentants avaient majoritairement soutenu la motion lors des débats au Parlement.

misc, ats